LE NOUVEAU MAGAZINE D'INFORMATION DES TERRITOIRES
TERRITOIRES
Caen et Caen la mer
Un territoire à l’heure des défis climatiques
La ville et le territoire connaissent un formidable développement économique, et cela tout en veillant au bien-être des habitants et
à leur environnement. Cela se traduit aussi bien par la présence de nombreuses entreprises que par la densité d’espaces verts.
Entretien avec Joël Bruneau, Maire de Caen et Président de la Communauté urbaine Caen la mer
Voilà presque dix ans Joël Bruneau était d’abord élu maire de Caen avant d’être nommé Président de la Communauté urbaine Caen la mer, qui regroupe quarante-huit communes. Deux casquettes, mais une seule ambition : un territoire respectueux de la nature, avec des projets coconstruits avec l’ensemble des habitants, pour repenser la ville à l’heure du réchauffement climatique.
« Nous repérons, valorisons et accompagnons
les initiatives très locales »
Quels sont les grands axes de votre politique en matière de transition écologique ?
L’objectif est de rendre nos villes plus supportables, en limitant l’impact carbone de l’activité humaine, en mettant tout en œuvre pour contribuer à la limitation des rejets de gaz à effet de serre et nous prémunir des effets du réchauffement climatique. À Caen, comme dans toutes les autres villes bien gérées, nous avons évidemment pris conscience de l’ampleur de l’urgence, des difficultés à venir, et du rôle que doivent jouer les collectivités. Mais pour être réellement efficace au niveau national, je pense que l’État doit accompagner les collectivités dans cette écologie du quotidien ; cela passe par la modernisation des transports journaliers ou bien encore par le développement des alternatives énergétiques aux énergies fossiles.
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De quels leviers disposez-vous pour atteindre vos objectifs ?
D’abord, la mobilité. Nous mettrons en service une nouvelle ligne de tramway en 2028. Nous augmentons également notre offre de transports en commun pour la rendre plus attractive et plus concurrentielle que la voiture. Par exemple, nous avons mis en place sur une partie du territoire un système de transport à la demande, une sorte de taxi collectif. Le vélo apparait également comme une vraie alternative. Nous développons donc des itinéraires cyclables. Quant à la voiture, nous ne voulons pas l’exclure du territoire, mais inciter les automobilistes à choisir un autre mode de transport le plus souvent possible. L’idée est de veiller au bon équilibre entre les différents usages. Ensuite nous investissons dans l’isolation et l’optimisation des bâtiments pour limiter la consommation… Enfin, nous veillons à l’utilisation de l’énergie. Nous allons développer le réseau de chaleur, afin de permettre à davantage de lieux de profiter de la chaleur émise par notre incinérateur, en réalisant quatre-vingt kilomètres de canalisations, d’ici quatre à cinq ans.
Avez-vous d’autres exemples de réalisations ?
Nous avons déjà débitumé quatre hectares à Caen pour lutter contre la chaleur, car les villes ne parviennent pas à se rafraîchir la nuit du fait de la chaleur emmagasinée par les espaces goudronnés. Et j’ai également beaucoup insisté - peut-être du fait que je suis fils de paysan - pour mettre en place la fauche tardive dans la Prairie au cœur de Caen ; cela consiste à tondre le moins possible et uniquement aux endroits où l’on a besoin de circuler.
2028 pour le tramway, 2027 ou 2028 pour le réseau de chaleur… tous ces projets prennent du temps. N’est-ce pas un peu frustrant ?
Si. Nous sommes dans une société craintive, une société qui se protège. Ainsi, des normes sont édictées dans le but de nous protéger, mais au bout du compte cela devient sclérosant. Cela nous prend beaucoup d’énergie et c’est autant de temps qu’on ne consacre pas à mener des actions.
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De ce fait, quels projets ont été ralentis selon vous ?
Nous avons le projet d’installer 10 000 m2 de bureaux sur un ancien parking. Mais avant de pouvoir le faire, nous devons attendre les résultats d’une étude faune-flore. Or ces endroits ne sont plus naturels depuis longtemps ; ne vaudrait-il pas mieux se préoccuper de zones qui ne sont pas déjà anthropisées ?
Autre exemple, la démolition de l’ancien hangar du marché au gros sur la Presqu’île a été retardée du fait que des goélands nichaient sur le toit. Mais ils ne font pas partie des espèces en voie de disparition. Et pendant ce temps-là, on ne se penche pas sur des sujets à enjeux comme la préservation de la qualité de l’eau ou la manière dont on doit procéder pour que les activités humaines restent compatibles avec la biodiversité.
Avez-vous à Caen la mer une façon particulière d’aborder ces questions environnementales ?
Notre marque de fabrique, je dirais, c’est de traiter ces sujets non pas dans un esprit de rupture, mais bien de transition. Cela implique un dialogue, un accompagnement des habitants.
Comment se traduit concrètement ce dialogue ?
Nous organisons des réunions publiques, des rencontres. Et nous avons mis en place deux programmes, « Caen la mer, territoire en transition » et « Caen, quartiers en transitions ».
Cela permet de repérer, valoriser et accompagner les initiatives très locales. Même si ce sont des sujets qui concernent le monde entier, on peut déjà réfléchir et agir localement voire même micro-localement.
Quelles sont les spécificités du territoire de Caen la mer ?
Les quarante-huit maires de la Communauté urbaine, se sont mis d’accord pour dire que nous souhaitions rester à taille humaine, tout en étant dynamique. C’est ce qui fait notre équilibre. Pour preuve, nous nous sommes fixé l’objectif de 292 000 habitants d’ici 2040-2050. Ce n’est donc pas beaucoup plus qu’aujourd’hui puisque nous sommes 273 000. Non pas que nous voulions nous replier sur nous-mêmes, au contraire. Le nombre d’habitants risque de diminuer avec le vieillissement de la population et la diminution de la natalité, aussi cherchons-nous à attirer les jeunes générations. Nous souhaitons offrir une réelle qualité de vie en maitrisant notre développement, en d’autres termes qu’il soit davantage qualitatif que quantitatif. Ainsi, nous disposons d’un certain nombre d’équipements culturels, sportifs, universitaires… dignes d’agglomérations beaucoup plus importantes. D’ailleurs, en 2025, nous aurons l’occasion de promouvoir toutes les qualités de Caen à travers les fêtes de notre millénaire, car ce sera certes un évènement fédérateur pour les habitants, mais aussi un moyen de braquer la lumière sur notre ville.
Comment se traduit ce dynamisme dont vous parlez ?
Nous avons un pôle universitaire de recherche important. Nous avons accompagné la modernisation de l’université, avec notamment la création de nouveaux laboratoires. Le dernier que nous avons inauguré, le CRISMAT (laboratoire de Cristallographie et sciences des matériaux), est en lien avec l’école nationale supérieure d’ingénieurs (ENSICAEN). Il nous a coûté une douzaine de millions. Nous avons également aidé à la création d’une nouvelle école d’ingénieurs, l’ISEN Yncréa Ouest, qui travaille sur le numérique et dont la construction va commencer sur la Presqu’île. Sans oublier les nombreuses entreprises qui quadrillent notre territoire, et l’offre culturelle et sportive importante.
Vous ne vous représenterez pas en 2026. Pensez-vous que vos successeurs vont s’emparer de ces sujets que vous avez amorcés ?
Oui. Je suis confiant en la capacité des générations suivantes à travailler efficacement au bénéfice de tous. Et ce n’est pas une question de gauche ou de droite. Selon moi, la nécessaire transformation de la société est quelque chose de trans-partisan. Cela s’impose à tous. En revanche, je suis plus inquiet pour nos petits-enfants.
Pourquoi ?
Nous vivons aux crochets des générations futures en vivant au-dessus de nos moyens. Non seulement elles seront confrontées aux conséquences du réchauffement climatique, mais elles vont devoir gérer nos dépenses, en étant moins nombreuses que nous. Et cela ne va pas se faire en un jour. Pendant un siècle, cela va être très compliqué, c’est certain.
Quelle serait la solution ?
Produire davantage puisque nous consommons plus que nous produisons. Et pour que cela soit possible, il faut travailler davantage, à un niveau de formation plus élevé. Cela passe donc par une population mieux formée et plus travailleuse. Et ce problème concerne aussi le choc climatique. En effet, essayer de l’amoindrir exige une capacité d’investissement que nous n’aurons que si nous parvenons à produire davantage de richesses pour la consacrer à ces enjeux. C’est pour cela que je n’adhère pas du tout au discours de certains qui considèrent que pour sauver la planète, il faut tuer l’économie de marché. C’est parce qu’on aura une économie de marché, une capacité de création de richesses plus importante qu’on pourra résoudre ce problème climatique.