Vision et transformation.

Vous lancez un plan d'investissement historique d'un milliard d'euros d'ici 2035. Qu'est-ce qui a motivé l'ampleur et le timing de cet engagement ?

Il s'agit d'un investissement historique ! Je suis Président du Marché inter­national de Rungis depuis 2012, et le conseil d'administration a voté ce plan, qui prévoit l'investissement sur vingt ans, de 2015 à 2035, d'un milliard d'euros. L'enjeu, que nous avons collectivement anticipé, est de faire de Rungis un pilier de la souveraineté alimentaire du pays.

 

Le Marché de Rungis est le plus gros marché de produits frais au monde. C'est le principal fournisseur des petits commerces et restaurants de Paris et de sa région, mais il fournit également l'Europe et le monde. Chaque jour, ce sont 18 millions de Français qui sont nourris en produits frais et de qualité grâce à Rungis. 60 % des produits frais consommés dans la région Île-de-France passent par notre Marché.

 

Depuis 2015, le plan est déjà bien engagé. Plus de la moitié des investissements ont été réalisés !
De nouveaux bâtiments ont vu le jour, de nouveaux espaces ont été créés, et nous avons engagé un certain nombre d'actions pour accompagner la digitalisation. Désormais, par exemple, les grossistes et les acheteurs peuvent effectuer une grande partie de leurs démarches en ligne : recharger leurs cartes d'accès, souscrire à de nouveaux services, télécharger leurs factures, etc. Près de 47 000 nouveaux acheteurs ont été recrutés par mes équipes entre 2012 et 2023 !

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J'ai engagé un travail pour maintenir une diversité des acteurs, des plus petits aux plus importants, avec comme boussole : la valorisation des produits français, sous signe de qualité. Nous privilégions les produits de nos terroirs et de labels reconnus, comme AOC, AOP, IGP et Label Rouge, qui constituent des gages de qualité de l'exceptionnalité des produits de nos agriculteurs. Le Carreau des producteurs d'Île-de-France qui accueille entre 20 et 80 producteurs franciliens selonla saison, est un bel exemple de la valorisation des produits français sur le Marché. Une Halle Bio de 5 600 m² – la plus grande d'Europe ! – propose également depuis douze ans des produits bio, de tous les secteurs.

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Au-delà de ce plan, et pour aller encore plus loin dans le soutien de la ferme France, j'ai l'ambition d'ouvrir le premier pavillon de la souveraineté alimentaire, au cœur du Marché. Comme l'ont fait nos amis italiens, nous devons mettre en valeur nos produits et leurs qualités uniques et être des partenaires actifs de nos agriculteurs. Ce pavillon sera notre vitrine et nous ne voulons pas nous contenter de nourrir les Français : nous voulons porter haut la qualité de nos produits et les rendre accessibles aux détaillants et aux restaurateurs d'Europe et au-delà.

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Transition écologique.

Vous investissez 100 millions d'euros dans la transition énergétique. Comment engagez-vous cette transformation ?

La RSE n'est pas nouvelle à Rungis. Notre ambition est claire : transformer le Marché de Rungis pour qu'il ne soit pas seulement le plus grand marché de produits frais au monde, mais aussi le plus innovant et le plus durable.

 

Nous avons l'ambition de réduire nos émissions de carbone de 26 % d'ici 2030. C'est un défi colossal, mais nous sommes déterminés à le relever. Pour y parvenir, nous investissons massivement dans la modernisation de nos infrastructures avec un plan d'investissement de 100 millions d'euros d'ici 2030. Cela se traduira par le déploiement d'ombrières photovoltaïques sur l'ensemble du Marché, par la mise en place d'une géothermie ainsi que par un vaste programme d'isolation thermique.

 

En cette fin d'année 2024, 17 000 m² de panneaux photovoltaïques ont été installés sur le MIN de Rungis. Ces installations permettront la production de 3 000 MWh/an soit l'équivalent de la consommation d'environ 680 logements. Nous avons également réalisé une cartographie répondant au modèle des Diagnostics de performance énergétique (DPE). Celle-ci a montré que 40 % de nos bâtiments sont très bien isolés car de « nouvelle génération », puisque nous les avons rénovés ces dix dernières années. Sur les 60 % restants, nous sommes en train de réaliser la programmation des actions de rénovation. Les 25 000 tonnes de déchets que nous incinérons chaque année produisent de la chaleur qui alimente le Marché, une partie de l'aéroport d'Orly avec qui nous avons un partenariat d'écologie industrielle, et même les communes voisines. Depuis janvier 2024, nous avons confié à SUEZ la collecte et le tri des déchets du Marché. L'objectif est de doubler la part des déchets triés d'ici 2025.

Le Marché de Rungis se tourne résolument vers une logistique durable en accélérant le développement de l'électrique. 340 bornes de recharge électrique ont été installées fin 2024 et sont désormais opérationnelles, alimentées par une électricité renouvelable certifiée.

 

Territoire et expansion.

Avec Agoralim au nord et la Cité de la Gastronomie au sud, Rungis devient un acteur majeur de l'aménagement francilien. Comment pensez-vous articuler ces différents pôles ?

Le Marché de Rungis n'a pas fini de vous surprendre ! Agoralim répond à un triple enjeu : accompagner les nouvelles attentes des consommateurs pour une meilleure alimentation et la mutation de l'agriculture locale ; sécuriser l'approvisionnement alimen­taire de l'Île-de-France ; répondre au défi environnemental lié à la logistique.

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Le projet a été qualifié le 4 octobre dernier par la préfecture du Val d'Oise en projet d'intérêt général. Cette reconnaissance constitue une étape majeure vers sa concrétisation. Agoralim Goussainville permettra de créer 1 500 emplois sur la commune, dans des domaines très variés. Une meilleure répartition des flux de transports permettra de réduire de 16 % les émissions de gaz à effet
de serre. Sur la Cité de la Gastronomie, je suis fier de voir notre Marché jouer un rôle central dans cette initiative. Ce lieu unique sera un espace vivant et dynamique, avec des expositions interactives, des ateliers immersifs et des espaces de restauration qui mettront en avant les trésors culinaires de nos régions. La Cité de la Gastronomie sera une destination incontournable qui attirera des millions de visiteurs du monde entier, tout en renforçant le dynamisme économique de notre territoire.

 

Innovation et tradition.

Le marché physique reste le cœur de Rungis, alors que vous développez de nouveaux services numériques. Comment voyez-vous l'équilibre entre ces deux dimensions ?

Je suis très attaché au marché physique, qui reste indéniablement le cœur battant de Rungis ! C'est sur le carreau que se rencontrent chaque jour des milliers de professionnels passionnés, que s'échangent des produits d'exception, et que se perpétue un savoir-faire unique au monde.

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Cette effervescence, ce bouillonnement d'énergies et de saveurs, c'est l'essence même de Rungis. Cependant, nous ne pouvons ignorer les évolutions de notre époque. Notre plateforme Rungismarket.com propose aujourd'hui près de 10 000 références, avec 110 grossistes présents. 1 600 clients s'y fournissent à l'année, avec environ 700 commandes par semaine.

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International.

D'Abu Dhabi au Vietnam, en passant par le Bénin, le modèle Rungis s'exporte. Quels sont
les principes que vous défendez à l'international ?

La force du Marché, c'est sa résilience et sa capacité à s'adapter à tous les environnements, les fluctuations des marchés et les pires crises, comme celle du COVID. Dans le monde entier, le Marché de Rungis symbolise l'excellence de notre gastronomie mais c'est aussi une référence en matière de stockage, de logistique, de sécurité alimentaire et de gestion responsable. Nous avons accéléré nos développe­ments en Asie, avec la remise officielle de l'étude pour l'aménagement du futur marché de gros d'Hanoï au Vietnam et la signature en 2024 d'un partenariat stratégique pour Canton. Au Bénin, nous accompagnons le gouvernement pour la mise en opération du marché de gros de Cotonou, plus grand marché de gros d'Afrique de l'Ouest, qui ouvrira ses portes en avril 2025.

 

L'exportation du modèle Rungis est un défi passionnant ! Notre ambition est de créer des marchés de gros qui, tout en s'inspirant de Rungis, deviennent des fleurons locaux, adaptés à leur environnement et qui contribuent à améliorer la distribution alimentaire de leurs régions.