
TERRITOIRES
Le Blanc-Mesnil
un nouvel écosystème urbain
De la 9e ville la plus criminogène de France à territoire convoité :
en dix ans, Thierry Meignen a orchestré la mue du Blanc-Mesnil.
L'ancien maire, aujourd'hui sénateur de la Seine-Saint-Denis, président de la majorité municipale théorise sa méthode entre pragmatisme et écologie urbaine.
Entretien avec Thierry Meignen,
Sénateur de la Seine-Saint-Denis, Président de la majorité municipale et ancien Maire du Blanc-Mesnil

« Densifier sans bétonner, c'est possible – à condition d'y mettre du fond, du soin, et une vraie vision »
Il se dit qu'après l'ère « communiste », le Blanc-Mesnil est passé de la ligue 2 à la ligue des champions. Quand vous regardez la ville aujourd'hui, dans quel domaine avez-vous le plus le sentiment d'un changement de catégorie ?
Sans hésiter, dans l'attractivité globale. En 2014, on était perçu comme une ville en déclin, presque oubliée dans les radars du Grand Paris. Nous étions la 9e ville la plus criminogène de France. Aujourd'hui, on attire des familles, des cadres, des investisseurs, et nous sommes classés dans les Villes et Villages où fait bon vivre, avec encore + 35 places au classement cette année. Cette transformation s'appuie sur trois piliers : la sécurité retrouvée, une qualité de vie nettement améliorée, et une cohérence urbaine assumée. On a créé une police municipale, installé 244 caméras, réorganisé l'espace public, réhabilité les équipements collectifs. Et surtout, on a mis fin à une spirale du « tout-social » pour privilégier la mixité. Résultat : la population augmente mais raisonnablement, les prix de l'immobilier grimpent, valorisant ceux qui ont parfois investi les économies d'une vie, les commerces revivent, et les habitants recommencent à se projeter dans l'avenir. C'est ce changement de regard qui, à mes yeux, est le vrai passage en ligue des champions.
Si vous deviez faire visiter Le Blanc-Mesnil à quelqu'un qui n'y est jamais venu, quels lieux ou quartiers lui montreriez-vous en premier, et pourquoi ?
Je commencerais sans hésiter par les quartiers du chemin Notre-Dame et de Floréal. C'est un lieu qui symbolise parfaitement la mutation du Blanc-Mesnil. Pendant longtemps, c'était l'un des secteurs les plus en difficulté de la ville. Aujourd'hui, il est devenu un pôle d'excellence. On y a construit la Maison des Arts Martiaux, le plus grand dojo d'Île-de-France, qui a même accueilli l'équipe olympique japonaise de judo. Juste à côté, on a ouvert l'école d'excellence musicale Chevalier
de Saint-George, un établissement unique, qui mêle exigence artistique et inclusion. C'était, il y a encore 10 ans, le quartier le plus pauvre de la ville. C'est un exemple fort de ce qu'on peut accomplir quand on décide de ne pas abandonner un quartier populaire, mais au contraire d'y investir massivement.
Ensuite, j'emmènerais nos visiteurs au parc Anne de Kiev. C'est tout simplement le plus grand parc municipal d'Île-de-France. On y trouve une biodiversité remarquable, des aires de jeux, des espaces de détente, des tables de jeux d'échecs, un lac... C'est devenu un lieu de respiration, de lien social, un vrai morceau de campagne aux portes de Paris. Peu de villes peuvent offrir une telle qualité de vie à leurs habitants, et nous en sommes très fiers.
Que diriez-vous à une famille parisienne, ou d'Aubervilliers ou de Pantin, qui hésite encore à venir s'installer au Blanc-Mesnil ?
Je leur dirais très simplement : venez voir par vous-même. Les Blanc-Mesnilois ont retrouvé la fierté d'habiter dans cette ville qui a trop souvent pâti, par le passé, des stéréotypes du 93. Aujourd'hui, elle tranche radicalement avec l'image que l'on se fait de la Seine-Saint-Denis.
Et tout cela, à quelques minutes de Paris, grâce à 2 gares RER et 2 futures lignes de métro. Ici, on peut acheter un appartement ou une maison avec un vrai jardin ou un grand balcon, dans un quartier vivant et accessible, avoir une vie aux allures champêtres avec tous les avantages de Paris. C'est une ville de projets, mais surtout une ville où il fait bon vivre.
Le projet de la ZAC de La Molette semble incarner un équilibre délicat entre densité et nature. Quel a été le plus gros pari – esthétique, social ou politique – dans ce type de reconversion ?
Les trois à la fois, et c'est ce qui rend ce projet si emblématique. Le pari esthétique, c'était de sortir du brutalisme hérité du XXe siècle pour proposer une architecture harmonieuse, durable, agréable à vivre. C'est aussi de préserver l'identité historique de la ville, avec une halle Eiffel qui fait partie de notre patrimoine et dont il faudra conserver l'essence, tout en la reconstruisant et en la déplaçant. Le pari social, c'était d'ouvrir ce quartier à des familles aux revenus variés, grâce à une offre en accession facilitée par la TVA réduite. Et enfin, le pari politique, c'était d'assumer une densité maîtrisée dans une friche industrielle, sans artificialiser de nouveaux sols et, au contraire, en assurant des espaces verts, dépollués, de qualité. Ce projet prouve qu'on peut construire beaucoup, mais mieux. Densifier sans bétonner, c'est possible – à condition d'y mettre du fond, du soin, et une vraie vision.
Cette ZAC, c'est un projet d'envergure métropolitaine. Est-ce qu'en le lançant, vous avez voulu envoyer un message à la Région ou à la Métropole ?
Oui, clairement. En obtenant le label « Opération d'Intérêt Métropolitain », nous avons montré que Le Blanc-Mesnil pouvait être une locomotive du Grand Paris, pas seulement un wagon. C'est une réponse complète aux enjeux d'habitat, de nature, d'éducation, de mémoire. C'est un message fort : une ville populaire, à l'est de Paris, peut devenir exemplaire en matière d'écologie, de qualité urbaine et de cohésion sociale.
Dans sa transformation du centre-ville, on perçoit une volonté d'apaisement : circuits courts, espaces verts… Est-ce que vous avez pensé ce cœur de ville comme un contre-pied à une certaine frénésie urbaine ?
C'est exactement ça. Le centre-ville du Blanc-Mesnil avait besoin de se réinventer. On a voulu lui redonner une âme, une respiration. Le nouveau square de la Paix, la future halle de marché, les commerces de proximité, les larges trottoirs, les mobilités douces… tout cela vise à recréer une centralité apaisée, à la fois commerçante, végétale et conviviale, un réel « esprit village ». Et surtout, c'est une façon de remettre l'humain au centre de la ville, loin de la verticalité froide et de l'asphalte sans âme.
En 2012, la ville avait la réputation d'être l'une des plus criminogènes d'Île-de-France. Aujourd'hui, le climat est tout autre. Qu'est-ce qui, selon vous, a fondamentalement changé dans le tissu social ?
La sécurité, c'est le socle de tout. Dès 2014, on a créé une police municipale, installé des caméras de vidéoprotection, mis en place un centre de supervision urbain. Mais au-delà des outils, c'est une philosophie qui a changé : celle de la présence, de la proximité, du dialogue. Nous avons recréé du lien avec les habitants, les commerçants, les associations. Nous avons aussi œuvré pour la qualité. Partout, l'esthétique a été le maître- mot, et là où l'on met du « beau », les gens s'adaptent, respectent. Dans le 93 aussi, on a le droit au meilleur, à l'excellence. Un cadre propre, fleuri, apaisé, c'est déjà un message de respect et d'exigence.
Vous avez dit un jour : soit on fait du social, soit on fait évoluer la sociologie de la ville. Pouvez-vous développer cette vision ?
C'est une phrase forte, mais fondée. Faire du social ne peut pas se résumer à empiler des logements aidés. Ce serait une vision à courte vue. Une ville équilibrée, c'est une ville où l'on peut grandir, évoluer, devenir propriétaire. Nous avons donc favorisé l'accession à la propriété, attiré de nouveaux profils, accompagné les parcours résidentiels. Ce n'est pas exclure, c'est inclure autrement. Et le social, ce n'est pas que le logement, c'est aussi ce que nous développons en parallèle : l'apprentissage du jeu d'échecs, du codage informatique, de la musique classique pour les enfants, les séjours jeunesse, seniors ou encore notre conservatoire, à tarifs très abordables… Des programmes d'excellence pour tous, qui permettent, dans le même temps, de faire évoluer la sociologie, tant en attirant de nouveaux habitants, qu'en apportant le meilleur à ceux déjà présents.
Quand vous observez d'autres villes assez ressemblantes sociologiquement — comme Saint-Denis, Ivry ou Montreuil — que défendez-vous en vis-à-vis ?
Je défends une méthode, une clarté de cap. Certaines communes ont choisi la fuite en avant : plus de logements sociaux, moins d'autorité, plus de laisser-faire. Nous avons fait le choix inverse : sécurité, qualité, ambition – sans hausse d'impôts ! Ce n'est pas un modèle partisan, c'est un modèle de résultat. Le Blanc-Mesnil est devenu un laboratoire de reconquête républicaine, à la fois exigeant et accessible. C'est cette ligne que je défendrai toujours.
Dans dix ans, si vous deviez revenir flâner dans le quartier de la Molette ou au centre-ville, qu'aimeriez-vous entendre dire, dans la bouche des habitants ou des enfants qui y vivent ?
J'aimerais entendre un jeune dire : « ici, j'ai grandi, c'est beau, c'est vert, c'est chez moi ». J'aimerais entendre un commerçant dire : « mon affaire marche bien, mes clients sont fidèles ». Et un ancien dire : « je n'y croyais plus, et pourtant, ils l'ont fait ». Ce serait la plus belle récompense. Une ville réussie, c'est une ville où chacun trouve sa place, à toutes les étapes de la vie.
Et pour finir… s'il y avait un sujet dont vous auriez aimé parler ici, et qu'on n'a pas abordé, ce serait lequel ?
L'écologie du quotidien. Nous avons voulu incarner une écologie concrète, accessible, enracinée dans la vie de tous les jours. L'écologie, pour nous, ce n'est pas une option, c'est un cap au service du bien-être des habitants. Car notre engagement municipal, depuis 2014, vise toujours un même but : faire du Blanc-Mesnil une ville exemplaire, plus belle, plus forte, plus durable. Une ville tournée vers demain. C'est ce que résume si bien notre devise : « pour le meilleur et pour l'avenir ».












