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Transitions

Le Canal Seine-Nord Europe

Il aura fallu presque un demi-siècle pour que ce projet - maillon central de la liaison fluviale Seine-Escaut - voit enfin le jour ! L’idée a émergé en 1975 ; le canal du nord - conçu à la fin du XIXe siècle - ayant, dès 1965, montré ses limites, notamment en ce qu’il était inaccessible aux péniches à grand gabarit. En 1984, le canal (alors appelé Seine-Nord) a été inscrit au schéma directeur national des voies navigables…

Par Françoise Clauzel

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Une véritable « épopée » ! C’est seulement en 1993-1994 qu’un débat public esquisse l’opportunité, les besoins et grandes caractéristiques de ce projet. Il faudra attendre le 21 décembre 2004 pour qu’il devienne l’un des trente projets prioritaires du futur réseau transeuropéen de transports (RTE-T) !

2010 : début des travaux préparatoires, mais, en 2011, brusque arrêt - les conditions n’étant plus réunies pour que le partenariat public-privé (PPP) envisagé puisse aboutir. En avril 2013, le ministre délégué Frédéric Cuvillier charge le député du Nord Rémi Pauvros d’une mission de reconfiguration concernant, notamment, les aspects techniques et réglementaires, afin de bénéficier de meilleurs financements européens. En juillet 2015 l’Union européenne confirme sa participation financière pour la première tranche de travaux. En 2016 création d’une société de projet - la Société du Canal Seine-Nord Europe (SCSNE) – chargée de la maîtrise d’ouvrage.

En 2017, nouveau (et ultime ?) rebondissement, la SCSNE est transfor­mée en établissement public local piloté par les élus de Région et des départements qui financent le projet en partenariat avec l’Etat et avec le soutien de l’Union européenne. Pour la première fois, les grandes collectivités d’un territoire vont piloter une infrastructure majeure à l’échelle européenne ; mise en service est prévue en 2030.

 

Le bassin de la Seine enfin désenclavé

Ce canal à grand gabarit - dont les travaux ont commencé en octobre 2022 - pourra accueillir des péni­ches mesurant jusqu’à cent quatre-vingt-cinq mètres de long et onze mètres quarante de large. Il reliera Compiègne (Oise) à Aubencheul-au-Bac (Nord) pour la jonction Dunkerque-Escaut ; ce « chaînon manquant » permettra, enfin, la connexion du réseau français aux vingt mille kilomètres de voies navigables européennes et un développement notable du transport fluvial de marchandises. Son ouverture fera de la liaison Seine-Escaut, qu’il concrétisera, le premier réseau fluvial européen et constituera un grand corridor économique et écologique (mille cent kilomètres de fleuves, rivières et canaux à grand gabarit irriguant les territoires entre le Havre, l’Île-de-France, les Hauts-de-France, Dunkerque et la Belgique. Grâce à lui, le bassin de la Seine sera désenclavé ; grâce à lui, les grands bateaux pourront librement circuler vers, et depuis, le nord de la France et l’Escaut et bénéficieront des atouts de la voie d’eau (coûts de transport réduits, faible émission de gaz à effet de serre) ; grâce à lui le trafic fluvial pourrait selon VNF (Voies navigables de France) quadrupler en trois ans ; grâce à lui, enfin, des emplois - directs et indirects - seront créés.

Bien évidemment, des voix discordantes se sont faites entendre. Parmi elles, celle d’Edouard Philippe qui a tenté de suspendre le projet en juillet 2017, dénonçant le détournement du trafic vers Anvers et Rotterdam au détriment des ports français et qui a déclaré : c’est « un gâchis économique et environnemental. » Celle aussi de la FNAUT (Fédération nationale des associations d’usagers des transports) qui conteste l’utilité d’un projet qui concurrencerait plus les liaisons ferroviaires que la route ; sans compter, plus anecdotique, celle de la Fédération de l’Oise pour la Pêche et la Protection des Milieux Aquatiques…

 

Caractéristiques de cet enjeu commercial, social et environnemental

Ce véritable défi technologique - qui génèrera la création de six mille emplois pour la construction - va bénéficier d’un équipement de pointe et sera éco-conçu afin de limiter les impacts sur l’environnement :

Six écluses sur le canal à proprement parler, et une septième, réduite, permettant la jonction avec le canal du Nord afin de rejoindre le canal de la vallée de la Somme. Leurs sas mesureront deux cent mètres de long et douze mètres et demi de large ; deux d’entre elles présenteront vingt-cinq mètres de hauteur de chute, ce qui en fera les plus importantes d’Europe. Afin de limiter l’utilisation de matériaux nouveaux, les parois de certaines d’entre elles seront fines et prendront appui sur d’importants massifs de limon prélevé sur place et mélangé à de la chaux et un liant.

 

Trois d’entre elles seront ouvertes au public ; celle de Noyon, bordée d’arbres sera intégrée au cadre de la cité médiévale.

 

Le pont canal sur la Somme

d’une longueur de mille trois cent trente mètres est situé à trente mètres au-dessus du fleuve - il sera le plus long d’Europe. Sa réalisation, qui commencera en 2025, devrait durer quatre ans. De part et d’autre sont prévus, sur quatre mètres cinquante, des trottoirs permettant traversées piétonnes et mobilités douces. Deux cent soixante dix hectares seront consacrés à des aménagements environnementaux -
exigence forte du projet - et à la préservation des marais, étangs, zones humides, sèches et boisées d’une particulièrement grande richesse écologique en cet endroit.

 

De nombreux franchissements

Le canal pourra être franchi tous les deux kilomètres environ : soixante-deux rétablissements routiers et ferroviaires (ponts et passages sous le canal) et trois ponts-canaux qui s’ajoutent à celui sur la Somme. Par ailleurs, les chemins de halage seront ouverts aux piétons, cyclistes, pêcheurs… et connectés aux réseaux des itinéraires cyclables existants.

Afin de limiter au maximum les perturbations sur la circulation, certains franchissements seront réalisés avant le creusement et la circulation maintenue jusqu’à la mise en service du nouveau pont.

 

La retenue d’eau de Louette

est située à Allaines (Somme) ; elle pourra - en pério­de d’étiage - subvenir aux besoins en eau du canal qui, en temps normal, sera entièrement alimenté par l’Oise. Sur une surface de soixante-cinq hectares, elle retiendra quatorze millions de mètres cubes d’eau, suffisants selon les données les plus récentes concernant le changement climatique. Un gros travail d’intégration dans le paysage a été effectué, notamment en raison de la hauteur de sa digue (quarante-deux mètres).

Par ailleurs, sécurité oblige, un dispositif d’auscultation permettra de connaître l’état structurel de
l’ouvrage et son évolution.

Retrouvez l'intégralité du dossier dans le magazine

Territoires Durables

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