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A LA UNE

Grand entretien

Jean-Philippe Dugoin-Clément,

Maire de Mennecy, Vice-Président du Conseil Régional d’Île-de-France en charge du logement, de l’aménagement durable du territoire et du SDRIF-E

Face à la pénurie de logements, à la hausse des coûts de construction,
à la panne de production de logements sociaux, et au million trois cent mille Franciliens en situation de mal logement, le Vice-Président du Conseil Régional d’Île-de-France, tape du poing sur la table et en appelle notamment au Gouvernement.

Entretien réalisé par Cécile Fournier

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« Nous souhaitons faire
de l’Île-de-France,
la première région
économique d’Europe. »

En quoi consiste le schéma directeur de la Région Île-de-France – SDRIF-E 2040 arrêté en juillet 2023 ?

Globalement, c’est un document qui indique où l’on va construire, ne pas construire, faire du logement, du développement économique, de l’agriculture et, enfin, où l’on va renaturer sols et espaces urbains...
En résumé, c’est la carte de l’Île-de-France en 2040.

 

À quoi ressemblera-t-elle ?

Nous souhaitons faire de l’Île-de-France, la première région économique d’Europe. Une région qui connaît une augmentation de cinquante mille habitants par an, qui compte plus d’un million trois cent mille mal logés pour douze millions trois cent mille habitants soit 10 % de sa population et qui, depuis la sortie de Londres et du Royaume-Uni de l’Union européenne, est la seule métropole mondiale globale de l’Union européenne. Nous prévoyons la construction de soixante-dix mille logements par an, tout en réduisant la consommation foncière de 20 % par décennie.

Nous voulons que l’Île-de-France marche sur ses deux jambes, c’est-à-dire assume sa transition environnementale et écologique. Concrètement, c’est l’application de l’objectif ZAN (Zéro artificialisation nette des sols), l’application de la décarbonation de notre économie, que nous aspirons à voir beaucoup plus circulaires. Nous souhaitons également que la Région soit beaucoup moins dépendante de son épicentre parisien pour un rééquilibrage entre la zone dense et la Grande Couronne créant ainsi des bassins de vie cohérents. Construire en somme l’Île-de-France dite des vingt minutes. Pour ce faire, elle devra s’appuyer sur ses polarités majeures, de moyenne et grande couronne qui peuvent offrir des complétudes de vie à des Franciliens, c’est à dire avoir des pôles où l’on retrouve l’emploi et le logement, mais aussi les services publics, et où l’on propose des études supérieures. C’est ce qu’on peut déjà trouver autour de Sénart, de Saclay ou encore du grand Meaux.

 

Vous parlez de 10 % de mal-logés en Île-de-France

Oui, le besoin de logements n’a jamais été aussi prégnant, du moins en zone tendue que peut être l’Île-de-France mais aussi les métropoles.

 

Aménagement et développement durable sont-ils compatibles ?

Oui, sans aucun doute, mais il y a la montée d’une défiance de l’acte de construire considéré comme étant un acte potentiellement anti-environ­nemental ; ce qui n’est pas le cas. Ne pas construire, c’est surtout un acte anti-social. Le logement est ce qui conditionne une réussite individuelle ou collective. C’est le premier poste de dépense captif des Français. Plus ils sont modestes, plus c’est un poste de dépense important. Je pense qu’aujourd’hui, c’est devenu un facteur d’augmentation des inégalités sociales.

 

Avez-vous des exemples de constructions ?

Il y en a beaucoup. Par exemple, le secteur de Nanterre, qui a été financé par la Région
Île-de-France dans le cadre du dispositif « quartiers inno­vants et écologiques ». On y trouve le campus Arboretum, la « forêt ville ». C’est un ensemble de sept bâtiments de cinq à sept étages, construits en bois massif. En France, c’est le plus grand ensemble tertiaire - cent vingt-cinq mille mètres carrés de bureaux et services - labelisé BBCA (bâtiment bas carbone), niveau Excellent et niveau E2C2 du label E+C-. On peut citer également la Cité Maraîchère de Romainville (agri­culture urbaine et alimentation durable) avec la création de nouveaux logements. La Région contribue de la même manière mais on n’aménage plus de la même manière.

 

Vous avez parlé du besoin prégnant de logement. Quels sont les leviers pour faire face à cette crise du logement ?

L’état doit être à nos côtés. Dans mon livre « L’habitat fait le citoyen » (éditions de L’Aube), je fais une trentaine de propositions. 90 % d’entre elles dépendent uniquement de l’État, comme recréer un pacte de confiance avec les communes, c’est-à-dire leur garantir un minimum de services publics régaliens ; aller vers un plafonnement du prix des cessions foncières dans les zones tendues ; recréer un lien dynamique entre les recettes des communes et les augmentations de population ou d’activités économiques, autrement dit, recréer un lien qui incite à construire…

Ce qui est fou c’est qu’en juin dernier, le Conseil National de la Refondation a abouti à une centaine de propositions. Aucune n’a été reprise par le Gouvernement alors que tous les grands acteurs du logement s’accordent à dire que nous vivons la pire crise jamais connue après-guerre.   

 

À la Région, quelle est votre marge d’actions ?

Là, où nous pouvons intervenir, c’est dans le maintien de la produc­tion. Pour ce faire, nous avons investi près de cent millions d’euros sur le logement. Nous menons également une politique d’accompagnement des maires bâtisseurs, autrement dit on essaie de faire en sorte qu’il y ait des services publics là où ils construisent. Aujourd’hui, il y a des communes qui n’ont plus de policiers, de professeurs, de médecins parce qu’ils ne sont pas remplacés. C’est à l’État d’agir sur ces questions. Enfin, pour aider à l’accession à la propriété, nous avons la possibilité de bonifier le PTZ (prêt à taux zéro). Mais aujourd’hui, sur cette question, nous ne disposons que de très peu de leviers légaux.

 

Pour sortir de l’impasse que vous décrivez, quelle serait la solution ?

J’en appelle à davantage de décen­tra­lisation. De plus, l’État doit considérer le logement comme une priorité nationale. Cette crise vient de facteurs conjoncturels sur lesquels il n’a pas de prise certes, mais aussi de facteurs structurels créés par une « non-poli­tique du logement de l’État ». Et cela va empirer dans les mois à venir.

 

Quels sont ces facteurs ?

Il y a une crise de l’offre, de la demande, de la production et du coût de construction. Globalement, on ne produit pas suffisamment, et cela depuis plusieurs années déjà. Cette crise est due notamment à la montée d’une défiance de l’acte de construire, que j’ai évoquée précédemment.
De plus, avec la suppression de la taxe d’habitation en 2023 et l’effon­drement des dotations de l’État depuis vingt ans, les communes ne voient plus l’intérêt de construire. Sans parler du fait qu’on n’arrive plus à vendre et que cela entraîne une crise de l’accession à la propriété. Là-dessus, le coût de construction a augmenté du fait de la hausse du coût des matières premières, causée par l’inflation, et en raison du durcissement des réglementations environnementales. C’est une bonne chose, mais la réalité c’est que les normes de la RE2022 (réglementation environnementale 2022) coûtent plus cher à mettre en place que celles de la RE2020 par exemple.
La loi ZAN, autre­ment dit l’inter­diction de tou­te arti­ficialisation nette des sols sur une période donnée, reste un facteur d’augmentation du coût de la pro­duc­tion immobilière. Envi­ron­nemen­ta­lement parlant, c’est très bien, mais sa mise en place n’est pas pertinente  selon moi.
Cette ZAN raréfie le foncier et oblige à travailler sur des fonciers déjà construits. Cela augmente donc le prix de la construction et cela peut grossir la facture s’il y a des démolitions et des dépollutions.

Retrouvez la suite de cet article dans le magazine

Territoires Durables

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